LA POSITION DES TRADITIONALISTES CONCERNANT LES GENS L'INNOV

Elle tient compte également concernant un genre d’injustice quelconque, si ses auteurs sont nombreux ou non et s’ils sont forts ou faibles. Elle a le même statut que toutes les autres formes d’injustices : la mécréance, la perversité, la désobéissance. Il faut savoir que toute infraction aux ordres d’Allah est une injustice ; soit envers Lui uniquement ou soit envers Ses créatures, ou soit envers les deux. Quant Il nous impose l’exclusion dans ses deux sens (s’éloigner des péchés, et sanctionner les pécheurs), cela est valable dans la mesure ou aucun intérêt en faveur de la religion serait prépondérant au fait d’y avoir recours. Sinon, si le mal révèle un bien prépondérant, il n’est relativement plus un mal. Si par conséquent, il y a dans la sanction un inconvénient plus grand que le crime en lui-même, elle ne s’avère plus un bien. Elle devient plutôt un mal. 

Dans la situation enfin où ils s’équivalent, elle n’est ni un bien ni un mal. La mise en quarantaine peut donc être désignée dans l’ambition de s’éloigner du mal de l’innovation qui est une injustice en elle-même, comme elle est une faute et un péché. Elle peut également avoir comme objectif d’établir le bien qui se traduit par la Guerre Sainte, l’interdiction du mal, et la sanction des injustes afin de les dissuader de faire le mal et de les en abstenir certes, mais aussi pour renforcer la foi et les bonnes œuvres chez ses auteurs. La sanction des injustes dissuade en effet les individus de commettre l’injustice, comme elle stimule à faire le contraire de l’injustice qui s’incarne dans la foi, la Tradition et autre.

Dans la situation où l’exclusion ne dissuaderait nullement à faire le mal et ne mettrait pas fin aux mauvaises actions ; elle enrayerait plutôt bon nombre de bonnes actions ordonnées par la Loi, elle n’aurait dans ces conditions plus aucun sens comme l’a souligné l’Imam Ahmed aux habitants du Khorasan à son époque. Ils n’avaient aucune force contre les Jahmites. Comme ils ne pouvaient afficher leur animosité envers eux, ce bien qui leur incombait n’avait plus lieu d’être. Il valait mieux faire preuve de souplesse afin de protéger le croyant faible en pareille situation. Ce comportement pourrait même concilier un pervers qui est dans une situation de force (…) 

C’est pourquoi, le discours au sujet de ces questions ne peut être laissé sans détail. Bon nombre de réponses venant de l’Imam Ahmed ou d’autres références ont été orientées en fonction de la question et de la situation de l’interlocuteur ou bien son discours était-il particulier à l’interlocuteur dont la situation lui était notoire. Cela est du même ordre que les décisions particulières que le Messager d’Allah a prises au sujet de certaines affaires. Il faudrait donc établir une loi correspondante pour des affaires analogues.16


Quelqu’un peut-il imposer aux autres d’exclure une personne en particulier 17 ?

Si l’enseignant ou le maître ordonnait d’exclure une personne, de l’éliminer,18 de le faire tomber,19 ou de l’éloigner,20 ou autre, il faut examiner la chose. S’il s’avère que l’individu en question a commis une faute au regard de la Loi, il doit être puni en fonction de sa faute sans rien n’ajouter à la sentence. Mais si toutefois il n’a pas commis de faute légitimement blâmable, il n’est pas tolérable de le punir illégitimement sous prétexte de plaire à l’enseignant ou autre. Il n’est pas concevable pour un enseignant de former un Hizb (parti) autour de lui en faisant faire aux gens ce qui engendrerait la haine et l’animosité. Ils doivent plutôt se comporter en tant que frères, solidaires les uns les autres dans le bien et la piété comme nous l’enjoint le Seigneur : Aidez-vous mutuellement au bien et à la piété et ne vous aidez pas dans la faute et la tyrannie.21

Personne ne peut se permettre d’imposer aux gens d’adhérer aux idées d’une personne, par l’intermédiaire desquelles se désigneraient les alliés et les ennemis en dehors du Prophète (). Il n’a pas le droit non plus de leur imposer un discours qui ferait la part entre les alliés et les ennemis en dehors des Paroles d’Allah, celles de Son Messager, et celles qui font l’unanimité de la nation. Cette particularité est plutôt propre aux innovateurs, ceux qui se désignent une personne ou des paroles qui auraient pour fonction de trancher ou de diviser entre les membres de la communauté. Leurs alliés seraient ceux qui adhèrent à cette personne ou à ce discours, et en fonction de cela seraient désigner les ennemis.22 

Conclusion

Ibn Batta el ‘Aqburî a dit –Allah lui fasse miséricorde – : « Chers Musulmans ! Personne parmi vous ne doit, stimulé par la confiance en lui, et la conscience que sa tendance est correcte, risquer pour sa religion en tenant compagnie à certains innovateurs sous prétexte de le visiter pour faire un débat avec lui ou de lui extraire sa tendance. Leur tentation (ou épreuve) est pire que celle de l’Antéchrist. Leurs paroles sont plus contagieuses que la gale et elles attisent plus que les flammes. J’ai vu certains gens qui au début les maudissaient et les insultaient dans leur entourage pour exprimer leur opposition et leur réfutation à leur encontre. Après les avoir accueillis sans se douter de leurs ruses, et de leur mécréance pour le moins subtile, ils se sont en fin de compte rattachés à eux. »23

Notes: 

1-Hadjr el Mubtadi’ de Bakr Abû Zaïd 
2-(p. 41).Rapporté par el Bukhârî (10).
3-El Moudaththir . 
4-Majmû’ Fatâwa Sheïkh el Islam ibn Taïmiya (voir : 28/203-210).
5-Voir Matla’ el Fadjr fi figh Ahkâm el Hadjr de Salim Hilâlî (p. 17-24), et el Hadjr de Mashhûr Salmân Hasân dans son introduction. 
6-Idem. 
7-E-Tamhîd (119/6). 
8-Idem. (127/6).
9-Majmû’ el Fatâwâ (voir : 28/ 203-210).
10-Majmû’ el Fatâwâ (28/ 211-213).
11-Majmû’ el Fatâwâ (28/ 142).
12-Majmû’ el Fatâwâ (voir : 28/203-210). 
13-Idem. (Voir : 28/217-218). 
14-Idem. (Voir : 24/175).
15-Usûs Manhaj e-Salaf fi e-Da’wa ila Allah de Fuwwâz e-Suhaïmî (p. 163).
16-Majmû’ el Fatâwâ (28/ 211-213). Remarque : pour illustrer cette règle, Sheïkh Rabî’ ibn Hâdî el Madkharî a donné l’exemple des cours offerts aujourd’hui à la mosquée du Prophète. Certains anciens en effet faisaient sortir de leurs assemblées, tout innovateur présent, avant de commencer sa séance. Après avoir fait l’éloge de la perspicacité des anciens, il a fait remarquer tout de même que ce comportement était valable à une époque où la Sunna avait l’ascendant sur l’esprit des gens au moment où l’innovation était avilie. Malheureusement à notre époque, les valeurs sont inversées et la Sunna n’est pas dans une situation de force. Il ne serait pas pertinent à la mosquée du Prophète d’exclure des cours données aux pèlerins, tout innovateur –bien qu’ils adhèrent à différentes sectes – sous peine de ne retrouver plus personnes assises autour de l’enseignant, si ce n’est ses propres étudiants ! (Titre de la cassette : Nasîha min el Qalb). (N. du T.).
17- La réponse est non ! Je l’ai personnellement entendu de la part de Sheïkh Mohammed ibn Hâdî el Madkharî. Par ailleurs, j’ai entendu Sheïkh ‘Abd el Mâlik Ramadhânî avoir ce genre de propos. (N. du T.).
La réponse est non ! Je l’ai personnellement entendu de la part de Sheïkh Mohammed ibn Hâdî el Madkharî. Par ailleurs, j’ai entendu Sheïkh ‘Abd el Mâlik Ramadhânî avoir ce genre de propos. (N. du T.).
18-Dans le sens de l’exécuter physiquement, cela peut aussi avoir le sens de l’humilier.
19-Probablement dans le sens de discréditer.
20Cela peut être compris dans le sens propre du terme, autrement dit de l’expulser.
21-Majmû’ el Fatâwâ (28/15-16).
22-Majmû’ el Fatâwâ (2O/164).
23-El Ibâna (3/470).

Traduit par : Karim ZENTICI