LA POSITION DES TRADITIONALISTES CONCERNANT LES GENS L'INNOV

Voir : Mawqif Ahl e-Sunna wa el Jamâ’a min Ahl el Ahwâ wa el Bida’ de Sheïkh Ibrahim e-Rahaïlî.

… La personne en quête de pouvoir – même illégitime – se satisfait des paroles qui la mettent en valeur même si celles-ci s’avèrent fausses, par contre toute critique à son encontre la met en colère même si au même moment elle correspond à la vérité. Tandis que le croyant accepte la vérité aussi bien en sa faveur qu’à ses dépends comme le mensonge le met en colère aussi bien en sa faveur qu’à sa dépend. Allah en effet aime la vérité, la sincérité, et la justice au moment où Il n’aime ni le mensonge ni l’injustice… Ibn Taïmiya (Majmû’ el Fatâwâ 10/599-600).

Les inconvénients à rester avec des innovateurs et à leur tenir compagnie

Un risque immense est engendré pour les personnes qui se complaisent de leur compagnie. Elles ne sont pas à l’abri en effet de s’imprégner de mauvaises pensées qu’elles ne seraient pas capables de refouler. Elles pourraient à terme adhérer à leurs ténèbres, et à leurs innovations. Si l’on sait que les anciens avaient peur pour eux-mêmes, qu’en est-il des musulmans d’aujourd’hui qui se sentent à l’abri en restant en leur compagnie, malgré leur fragilité dans les sciences, sous prétexte qu’ils sont sûrs de leur conviction, et qu’ils n’ont rien à craindre de personne !

Rester avec eux, c’est transgresser l’ordre d’Allah enjoignant de ne pas le faire. C’est également s’opposer aux enseignements du Prophète et dévier du chemin des croyants qui s’accordent à dire que cela n’est pas faisable. 
Allah révèle à cet effet : 

(Quiconque se rebelle à Sa Loi doit se méfier de ne pas subir une tentation ou un châtiment terrible). (À quiconque s’oppose au Messager après que la bonne voie lui fut dévoilée, en voulant suivre un chemin différent de celui des croyants, Nous lui ferons subir les fruits de son abandon, et allons lui assigner la Géhenne ; quelle bien vilaine destinée est-elle).

Rester avec eux engendre à terme une certaine affection à leur égard et par voie de conséquence cela constitue une transgression à l’Ordre d’Allah imposant de les haïr et de les prendre pour ennemis. (Qui s’aiment s’assemblent et qui s’assemblent se ressemblent). 

Les innovateurs eux-mêmes subissent les mauvaises conséquences de cette compagnie étant donné que l’attitude préconisée par Allah pour réagir en telle circonstance, n’est pas respectée. Autrement dit : remédier au mal par le moyen d’exclusion. L’innovateur ne peut se repentir s’il trouve quelqu’un pour lui tenir compagnie et avec qui se familiariser. Satan pourrait même le pousser à croire inconsciemment que la présence d’autrui témoigne des sentiments des autres et un certain égard vis-à-vis de lui. Cela prouverait donc la pertinence de sa tendance à leurs yeux. Il ne peut ainsi que redoubler d’énergie et s’enraciner d’avantage dans son égarement au lieu de se repentir et d’adhérer au bon chemin. 

La personne qui s’assoit avec eux s’expose aux suspicions des autres à le voir en telle compagnie. Cela, même si l’on concède qu’elle est à l’abri de ne subir aucune influence, et d’adhérer à leur tendance. C’est une insulte pour les gens sensés, et une honte pour les gens pieux !

En règle générale, personne à part le Seigneur des hommes ne peut dénombrer les inconvénients engendrés à rester en compagnie des corrompus dans la croyance ou autre. C’est pourquoi, Il l’a tout bonnement interdit. J’ai simplement voulu en cette occasion en citer quelques-uns dans l’espoir que s’en servent de leçon ceux que Dieu aura éclairé de Sa lumière. (…) Il est impératif pour quiconque de se soumettre à ces enseignements même s’il n’en pénètre pas la sagesse. Que dire quand celle-ci est limpide et claire pour toute personne sensée ! En l’occurrence, ses inconvénients innombrables (dont certains ont été cités).

Attention !

Combien de gens ont-ils l’impression de plaire à Allah alors qu’en réalité, ils obéissent à leurs passions. (Ibn Taïmiya)

Il n’est pas permis de saluer le mécréant en premier bien qu’il soit permis de répondre à sa salutation en disant « et vous de même ! » selon la plus pertinente des opinions recensées parmi les gens de sciences sur la question. Par conséquent, il n’est pas permis non plus de saluer en premier un innovateur apostat comme il n’est pas permis de lui donner une autre réponse que celle attribuée aux mécréants en général. Cela consiste à dire en l’occurrence : « et vous de même ! » Certes Dieu Seul le sait ! Concernant l’innovateur non jugé apostat par ses actions, il est autorisé de le saluer comme à tout musulman car le salut fait partie intégrante des devoirs dévoués envers ses frères comme le formule le Propos prophétique : « Les droits du musulman envers le musulman sont au nombre de cinq : répondre au salut. » Dans une autre version, il est précisé : « les droits du musulman envers le musulman sont au nombre de six. 
Quels sont-ils cher Messager d’Allah ? Lui a-t-on demandé.
Si tu le rencontres, tu dois le saluer. » 

Il est donc autorisé de donner ou de rendre le salut à un innovateur. Son état d’innovateur ne change en rien au fait de concéder le droit de recevoir le salut étant donné qu’il décèle toujours en lui la condition lui conférant ce droit, ce que les gens lui reconnaissent ; autrement dit l’adhésion à l’Islam comme l’a restreint le Prophète dans sa recommandation. Néanmoins, il est légiféré de renoncer à le saluer si un intérêt supérieur devient prépondérant à ce droit. La sanction et la dissuasion en l’occurrence comme nous l’apprend le Prophète (r) à travers ses réactions envers certains fautifs ; et comme tel est l’usage en vigueur chez les anciens en commençant par les Compagnons, leurs fidèles successeurs, et enfin les gens de sciences en général, envers certains innovateurs non considérés apostats. Cela, pour obtenir justement cet intérêt en question non que le salut en lui-même soit prohibé ! Personne parmi les savants prédécesseurs ne s’est avisé à avancer une telle chose ni d’ailleurs leurs héritiers dans les sciences ! 

C’est pourquoi, il est certifié de la part des grandes anciennes références à l’instar de l’Imam Ahmed, connu pourtant pour son opinion invitant à renoncer à saluer les innovateurs quoique musulmans ; lui-même a mis en pratique ce principe en ayant refusé de saluer à certains innovateurs. Pourtant, il a émis l’avis, comme il l’est certifié, de pouvoir donner le salut à des partisans de certaines sectes. Abou Dawûd –qu’Allah lui fasse miséricorde – rapporte en effet : « J’ai expliqué à Ahmed pour le consulter : nous avons des proches en terre de Khurasan qui adhèrent à la tendance Murjite. Lorsque nous envoyons des courriers là-bas, nous leur faisons passer le salem.

Gloire à Allah ! S’exclama-t-il, pourquoi ne le feriez-vous pas ? » 

L’exclusion et la conciliation ont la propension de réaliser le dessein légitime de remédier au mal que l’érudit est à même de déceler à travers ces deux procédés afin de parvenir à la solution la plus efficace et le plus propice pour la société en tenant compte de la situation de la personne en question et des conditions de l’époque. « Le but étant d’appeler les hommes à la soumission d’Allah en ayant recours au chemin le plus adéquat ; il est possible de donner espoir si ce moyen est désigné ou d’instaurer la crainte si ce moyen est plus efficace. »

(…) Le comportement que le musulman d’aujourd’hui doit adopter dans ses relations avec ces gens-là, c’est qu’il doit considérer la question d’un œil averti. Il doit envisager de la façon la plus large les conséquences de ses actes avant de prendre toute décision. Il doit savoir que le statut dans cette question varie d’une personne à une autre compte tenu du contexte dans lequel les gens évoluent, et de leur condition. S’il pressent que de renoncer à visiter un innovateur (par exemple) s’avère efficace pour le dissuader de sa tendance, dans ses conditions il ne doit pas hésiter à s’abstenir. Bien qu’à l’origine il soit tout à fait légitime de lui rendre visite, il peut y avoir un plus grand intérêt à ne pas le faire. 

Par contre, s’il est convaincu que son comportement n’aura aucun effet positif, il ne doit surtout pas renoncer à le visiter. Sinon, il aura négligé une action légitime sans obtenir en retour aucun bénéfice. Il est évident que le statut dans cette question en particulier varie d’une personne à une autre. Il est possible qu’il soit désigné pour untel de mettre en quarantaine tel innovateur au moment où un autre refuse légitimement de le faire pour les raisons que nous avons évoquées. En faisant l’observation générale de la société islamique dans ses relations envers un innovateur quelconque, nous pourrons découvrir que la société se divise en deux dans sa position à son encontre. Une partie de la société sera rude envers lui et va l’exclure, l’autre sera plus tendre et va se le concilier, bien qu’ils réclament tous autant qu’ils sont son adhésion à la Tradition. Cela devrait laisser les plus grandes traces dans son esprit, et le motiver à se soumettre à la vérité. Par contre, si la société utilise une seule façon de se comporter avec lui, que ce soit l’exclusion ou la conciliation, son efficacité sera moindre.

Ainsi, Allah appelle Ses créatures à conjuguer entre ses deux procédés dans la prédication : l’attirance et l’intimidation. Il nous commande à tous d’évoluer entre la crainte et l’espoir qui ont un grand ascendant pour corriger les âmes et les faire plier devant la vérité. 

Conclusion

La Législation divine à pour mission de s’accaparer le bien et de l’entretenir et de parer au mal et de le contenir (Ibn Taïmiya). 

Il est à déplorer qu’à notre époque certains gens ne soient pas convaincus que l’exclusion soit un chemin salutaire dans les relations avec les innovateurs. C’est pourquoi, ils se permettent de lier d’amitié avec ces gens-là et de les fréquenter. Dans un élan de sentiments réciproques, ils entretiennent toute sorte de lien, sans oublier de faire les échanges de cadeaux. À tel point que certains poussés soit par les pulsions ou dans une moindre mesure par l’ignorance s’opposent fermement à ce procédé réformateur issu des préceptes de la religion et des enseignements du Prophète (r). Ils osent même tirer un portrait ridicule des savants conformistes qui ont la propension de mettre en pratique ce moyen salutaire parmi tant d’autres moyens réformateurs, véhiculé par les nobles anciens pour nous parvenir dans son état le plus authentique. Ils les accusent de tous les noms : rudes, austères, puritains, et fanatiques. Combien les savants actifs dans la prédication se plaignent-ils de la puérilité de ces gens-là qui sont allés encore plus loin dans leur animosité ! Certes, il n’y a de force et de puissance qu’en Allah !


Traduit par : 

Karim ZENTICI